La mort prématurée du Premier ministre Hamed Bakayoko en Allemangne a été accueillie avec une extrême tristesse et a plongé tout le peuple ivoirien et même d’ailleurs dans la consternation.
Un baobab ou le Woroba vient subitement de tomber. Les artistes nationaux et internationaux ont contribué à leur manière aux obsèques en lui rendant un vibrant hommage. L’art était au rendez-vous pour faciliter davantage le passage de ce dernier vers l’autre porte, celui qu’on appelait affectueusement le Golden boy ce mercredi 17 Mars au stade Ebimpé occupé par un vaste public malgré la pandémie qu’éprouve le monde. Pour la noble cause de Hambak, les Ivoiriens ont tous simplement défié le COVID-19.
La voix des artistes était au rendez -vous dans une ambiance festive et non funèbre. Toutefois, au courant de ces différentes majestueuses, le chant de la méga star ivoirienne du reggae a sonné vigoureusement comme un glaive pour faire passer un message inédit à la classe dirigeante et aux politiques de son pays.
Alpha Blondy, a entonné une chanson de mise en garde alors que le ministre Mamadou Touré lui tenait compagnie, debout à ses côtés sous le feu les projecteurs.
« Madou, comme tu es un politicien, j’ai aussi un message pour toi », lui a dit Jagger avant d’enchaîner dans un a cappella avec le titre « Le feu » :
« Vous jouez avec le feu
Vous jouez avec le feu
Vos querelles sempiternelles,
Font la louange de la géhenne
Avec vos querelles personnelles
Vous nous éclaboussez, de votre haine
Vaut mieux une fin effroyable
Qu’un effroi sans fin
Vous vous trompez de guerre
Parce que vous vous trompez d’adversaire
Et vous jouez avec le feu
Vous jouez avec le feu. »
Le ministre Mamadou Touré levait la main, pour chanter quelques bribes de mélodie avec Blondy, tandis que le public reprenait en chœur, fougueux, surchauffé : »vous jouez avec le feu… »
« Le feu », un titre choisi à dessein par Alpha Blondy ou Jagger au moment où le paysage politique n’est pas complètement apaisé. En effet, depuis ces deux dernières décennies, les cœurs des ivoiriens semblent être devenus des réservoirs de haine et de vindicte.
Alpha Blondy avait prévenu cette même classe politique en sortant « Le feu », dans son album « Merci », en Mars 2002. Six mois après, en Septembre, il eut vraiment le feu au pays, avec une rébellion armée qui scinda la Côte d’Ivoire en y laissant des écorchures, des blessures, des déchirures, des douleurs, pas encore guéries ni cicatrisées malgré l’écoulement des années. La plaie semble toujours béante.
Dix-neuf ans plus tard, « Le feu » paraît plus que jamais contemporain, d’actualité, d’où le choix d’Alpha Blondy dans l’interprétation de cet opus choisi dans son incommensurable et riche répertoire discographique. Et étrangement, pendant qu’il chantait avec le ministre, des feux artificiels, un manège décoratif du stade, brûlaient de temps en temps au milieu du public et sur la scène, en forme d’anaconda, dans un mouvement vers le ciel.
L’artiste demeure la voix du peuple.
Les hommes politiques feraient bien de tenir compte de ce message flammulé de Jagger afin d’anticiper pour éviter prudemment la déflagration. Parce que l’artiste est spectateur du monde, la frontière entre l’artistique et le politique est ténu. Devant les enjeux véritables de sociétés actuelles, l’art peut constituer un outil politique utilisé avec ou sans les artistes.
Espérons vivement ce message limpide d’Alpha Blondy soit entendu par les politiciens Ivoiriens véreux de la guérilla et saisiront cette opportunité pour mettre un terme à l’épouvantable carnage des clans à la guerre fratricide au détriment du peuple digne de la Côte d’Ivoire.
Chams Farel Koné