Le président français est arrivé au Tchad, vendredi 23 avril, pour assister aux obsèques du président Déby. Le pays est un allié précieux pour la France dans le combat contre les groupes djihadistes terroristes.
Idriss Déby laisse derrière lui une rébellion qui a promis de marcher sur N’Djamena, la capitale, et un fils de 37 ans, Mahamat Idriss Déby, qui était jusqu’ici le commandant de la Garde républicaine. Il dispose désormais des pleins pouvoirs, mais il a assuré des élections « libres et démocratiques » dans un an et demi.
Si Idriss Déby père a dirigé le Tchad d’une main de fer pendant 30 ans, son fils, Mahamat Idriss Déby semble arpenter le même chemin. Après la mort du président mardi 20 avril sur la zone de combats dans le nord-ouest du pays, il s’est tout de suite arrogé les pouvoirs absolus. Il a dissous l’Assemblée nationale et le gouvernement. Il est devenu président de la République, chef de l’État et chef suprême des armées.
Mahamat Idriss Déby, 37 ans, demeurait jusque-là le patron de la Direction générale des services de sécurité des institutions, très puissante au Tchad. Il s’occupait notamment de la garde rapprochée de son père et coordonnait ses déplacements. Militaire de carrière, comme son père, il ne possède cependant pas d’expérience gouvernementale et restait jusqu’à présent plutôt discret. Dès l’annonce de la mort du président, il a établi un Conseil militaire de transition, composés de 15 de ses fidèles généraux. Ils jurent que la période de transition ne durera que 18 mois et que des élections « libres et démocratiques » seront organisés.
Emmanuel Macron assiste aux obsèques pour stabiliser le précarré français
Alors que la France est en pleine troisième vague de la pandémie du Covid, pourquoi Emmanuel Macron se rend sur place ? Le président français doit préserver les intérêts de la France . Le Tchad est au cœur de la lutte contre le djihadisme au Sahel. C’est le pilier du G5 Sahel, cette force conjointe anti-terroriste qui regroupe en plus du Tchad, la Mauritanie, le Burkina Faso, le Niger, le Mali et les militaires français de l’opération Barkhane. Le Tchad,le plus gros contingent africain, a récemment expédié 1 200 soldats. Ses militaires, très aguerris, sont les mieux formés, ils ont l’habitude du terrain de guerre. Ils ont déjà combattu au Soudan, en Centrafrique et au Mali.
Le QG du G5 Sahel se trouve d’ailleurs au Tchad, dans la capitale N’Djaména. Pour la France, ce pays loge la pièce maîtresse de sa stratégie contre le terrorisme. À l’annonce de la mort du président Déby, Paris a immédiatement réagi en parlant d’un « ami courageux » de la France. Même s’il réclame une transition « pacifique », Emmanuel Macron vient en quelque sorte adouber le fils de son allié de 30 ans, en dépit de toutes réserves sur la manière dont Mahamat Idriss Déby a pris le pouvoir par intérim. La France ne veut particulièrement pas voir le Tchad soit déstabiliser, il faut assurer une continuité, car si la situation s’envenime à l’intérieur du Tchad, le nouveau président pourrait rappeler ses troupes déployées au Sahel et c’est toute la force du G5 qui serait déséquilibrée.
Mahamat Idriss Déby, un pion que Paris pourra téléguider ?
Si Mahamat Idriss Déby s’investit au Sahel, le fils d’Idriss Déby attend en retour un soutien actif français. Si la situation intérieure se dégrade, il éprouvera au besoin l’aide de la France. Elle pourra venir à son secours si les rebelles s’approchent trop près de la capitale. Paris l’a auparavant fait à de multiples reprises pour soutenir son père, la dernière opération datant de 2019 : deux mirages français ont bombardé une colonne de rebelles venus de Lybie et qui saisissaient la direction de la capitale N’Djaména.
Niveau géographique, le Tchad est encerclé de foyers de tension : Lybie, Soudan, Centrafrique, Nigeria, Niger. Mahamat Idriss Déby veut s’assurer que la France sera là si besoin. La venue d’Emmanuel Macron lui prouve que oui. En revanche, l’opposition, muselée dans le pays, ne voit pas d’un bon œil le déplacement du président français. « Monsieur Macron doit respecter notre Constitution », dénonce un opposant rencontré par notre correspondante sur place. Plusieurs partis d’opposition ont dénoncé la prise de pouvoir du fils du président défunt. Ils estiment que c’est « un coup d’État institutionnel ». Ils rejettent « catégoriquement » la transition militaire et exigent l’instauration d’un « gouvernement dirigé par des civils ». La France réclame un « processus démocratique ». Avec Idriss Déby père, elle a longtemps fermé les yeux sur ces sujets et Idriss Déby fils le sait.
Appel à une « transition démocratique »
Aux funérailles de son père, vendredi, une douzaine de chefs d’État avaient fait le déplacement, dont Emmanuel Macron. « La France ne laissera jamais personne, ni aujourd’hui, ni demain, remettre en cause la stabilité et l’intégrité du Tchad », a-t-il promis dans son oraison funèbre.
Emmanuel Macron marche sur des œufs. La France et le Tchad font partie du G5 Sahel, une alliance de pays qui ont mis sur pied une coalition militaire pour combattre les jihadistes, notamment dans le nord du Mali. La France a donc besoin du Tchad et de son armée.
Mais il a aussi appelé Mahamat Idriss Déby à promouvoir la « stabilité, l’inclusion, le dialogue, la transition démocratique ».
« La France va jouer un rôle de garant »
Mais la présence d’Emmanuel Macron à la cérémonie est perçue comme un adoubement de la France au nouveau président par l’opposition et des ONG internationales qui dénoncent « un coup d’État institutionnel ».
« Il faut aller très vite dans une transition inclusive qui fasse de la place aux forces politiques, indiquait une source dans l’entourage d’Emmanuel Macron vendredi. C’est le G5 Sahel et l’Union africaine qui sont en première ligne, la France va jouer un rôle de garant. »
La recolonisation du Tchad par la France
Avec Chams Farel Koné
LPP News 
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