Viols d’enfants en Centrafrique: les soldats français bénéficient d’un non-lieu

Conformément aux réquisitions du parquet, les juges ont écarté la perspective d’un procès, au terme d’une enquête délicate, qui laisse certaines questions en suspens.

Des soldats français le 30 janvier 2014 à Bangui en Centrafrique
afp.com/ISSOUF SANOGO

Trois ans après avoir été accusés de viols d’enfants en Centrafrique des militaires français visés par l’enquête bénéficient d’un non-lieu. Les juges en charge du dossier ont écarté la perspective d’un procès, au terme d’une enquête délicate, qui laisse des questions en suspens et des parties civiles déçues. 

Conformément aux réquisitions du parquet de Paris, les juges ont clos le dossier jeudi, sans aucune mise en examen, selon une source judiciaire. Révélées en 2015, les accusations avaient terni la réputation de l’armée française déployée dans le pays sous égide de l’ONU dans le cadre de l’opération Sangaris, censée restaurer la sécurité après des mois de violences interconfessionnelles.  

L’ONU sous le feu des critiques

Dans ses réquisitions, le parquet soulignait qu’au terme de l’enquête, « il ne peut être affirmé (…) qu’aucun abus sexuel n’a été commis », mais il estimait que les incohérences et « la variation des témoignages ne [permettaient] pas d’établir des faits circonstanciés et étayés à l’encontre des militaires », selon une source proche du dossier. 

L’affaire avait éclaté en avril 2015 Le quotidien britannique The Guardian avait alors fait état d’une note interne de l’ONU relatant les auditions de six garçons de 9 à 13 ans qui accusaient des militaires de les avoir abusés dans le camp de déplacés de l’aéroport M’Poko, à Bangui. Des viols commis en échange d’argent et de nourriture, entre décembre 2013 et juin 2014, selon leur récit. 

Saisi par le ministère de la Défense, le parquet de Paris avait en réalité déjà ouvert, dès juillet 2014, une enquête préliminaire ensuite confiée à des juges d’instruction mais qui était restée secrète. Ce silence avait été reproché aux autorités françaises ainsi qu’à l’ONU.  

Depuis, d’autres scandales touchant des contingents d’autres pays ont éclaté, et les Nations unies ont souvent été critiquées pour leur manque de réactivité. En France, deux autres enquêtes visant des militaires de Sangaris ont ensuite été ouvertes. L’une d’elles, sur le cas d’une jeune fille se disant victime d’un viol à l’été 2014 avant d’évoquer un rapport consenti non protégé, a été classée fin 2016. 

Témoignages contradictoires

La force Sangaris et ses 2000 hommes ont été déployés entre 2013 et 2016 en Centrafrique, pays miné par les violences entre rebelles musulmans, les Séléka, et miliciens chrétiens, les anti-balaka, après le renversement de l’ex-président François Bozizé

 Dans leurs premiers témoignages, les enfants avaient donné des détails comme des surnoms ou des caractéristiques physiques des militaires -un tatouage, par exemple- permettant de cibler une dizaine de possibles agresseurs, qui ont été auditionnés, dont un sous le régime de la garde à vue. Les juges français et la gendarmerie prévôtale, chargée d’enquêter sur les militaires en opération extérieure, ont entendu de nouveau les enfants à Bangui en 2015 et 2016. 

Mais ces auditions, menées longtemps après les faits, ont suscité des doutes. Devant des photos, un enfant a dit reconnaître son agresseur alors qu’il ne s’agissait pas d’un militaire. Un autre a concédé avoir menti. Un autre disait avoir lu le nom d’un soldat sur son uniforme alors que des vérifications ont établi qu’il ne savait pas déchiffrer le mot « maman », d’après le réquisitoire.

 

Pour les parties civiles, la tentation de faire appel

L’association partie civile Ecpat, qui lutte contre l’exploitation sexuelle des enfants, avait demandé une expertise pour s’assurer que la parole des mineurs avait bien été prise en compte, mais les juges n’y ont pas fait droit. L’avocat de l’ONG Emmanuel Daoud a annoncé qu’il ferait probablement appel de l’ordonnance « pour ne pas donner le sentiment (…) que l’affaire est terminée et que nous renoncerions à (…) établir les responsabilités et les culpabilités ».  

Devant les enquêteurs, la fonctionnaire onusienne qui a recueilli les premiers témoignages des enfants s’est dite convaincue de leur sincérité. Certains militaires ont affirmé avoir donné des rations alimentaires, dans un contexte de grande pauvreté, mais ont nié tout abus sexuel et les écoutes n’ont rien donné. Sur le téléphone de l’un d’eux, des dizaines de vidéos pornographiques ont été retrouvées, dont huit à caractère pédopornographique, chiffre trop faible pour caractériser un profil pédophile, selon une source proche de l’enquête.  

« Nous avons assisté depuis le début de l’enquête à la chronique d’un non-lieu annoncé », a réagi Rodolphe Constantino, avocat d’une autre association partie civile, Enfance et Partage. 

Source l’ Express avec AFP

publié le 15/01/2018 à 15:37 , mis à jour à 18:37

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