Le coup de force
Le coup récent de force de la junte militaire au Mali, qui a mis fin aux prérogatives du président de la transition Bah N’Daw et de son Premier ministre Moctar Ouane, neuf mois seulement après le départ du président Ibrahim Boubacar Keïta a été condamné par la France, l’Union européenne et l’union africaine. Les pluies de menaces n’ont pas cessé de tomber sur Bamako afin d’intimider le colonel Assimi Goita, l’homme fort du pouvoir.
Malgré cette condamnation en pompe de ce récent coup de force, le président Bah N’Daw et le Premier ministre Moctar Ouane ont annoncé leur démission, mercredi 26 mai en début d’après-midi. La délégation de la troïka – composée des représentants de la CEDEAO, de l’Union africaine et de l’ONU – était à Kati, où se trouvaient les deux dirigeants maliens depuis leur arrestation, le lundi 24 mai.
« Le président et son Premier ministre ont démissionné. Des négociations sont en cours pour leur libération et la formation d’un nouveau gouvernement », a déclaré un assistant d’Assimi Goita, dans des commentaires transmis à Reuters par les militaires.
S’exprimant plus tard lors d’une conférence de presse, Baba Cissé a indiqué que la détention de Bah Ndaw et Moctar Ouane serait assouplie progressivement, en tenant compte de considérations sécuritaires.
Les démissions des deux dirigeants ont eu lieu pendant la visite d’une délégation de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao).
Au cours d’une réunion avec Assimi Goita, tard dans la journée de mardi, la délégation dirigée par l’ancien président nigérian Goodluck Jonathan a évoqué la possibilité de sanctions contre les officiers responsables de la prise de pouvoir, selon un responsable militaire présent à la réunion.
Les raisons du haussement du ton de Paris : la Russie
Une source accessible de l’ex-junte a dévoilé que le président de la transition aurait transmis aux autorités françaises des documents relatifs à un contrat d’armement en cours de négociation avec la Russie. Paris aurait exprimé sa vive inquiétude à la Russie et s’est opposée à toute vente d’armes ou échange militaire ou sécuritaire et exhortée Vladimir Poutine à ne pas réserver une suite favorable, afin d’éviter la glaciation des relations diplomatiques déjà tendues en Afrique avec l’intervention russe en Centrafrique.
Le vice-président Assimi Goïta, les deux ministres sortants en charge de la Défense et de la Sécurité avaient mobilisé toute leur énergie et leur intelligence à ficeler ce document identifiant les besoins émergents d’équipement en armes modernes des Forces armées maliennes(FAMA) en lutte contre les groupes armés terroristes. Un de leurs collaborateurs associé à la rédaction aurait transmis une copie au président de la transition Bah N’Daw qui lors de son dernier voyage à Paris dans le cadre du Sommet sur le financement des économies africaines l’avait communiqué aux français.
L’ex-junte aurait reproché à Kati au président de la transition d’avoir trahi le secret-défense et divulgué des informations classifiées. Entre eux, ils ont discuté de l’opportunité, du bien-fondé politique ou moral de telles révélations et de savoir si ces dernières étaient appropriées. L’ex-président de la transition Bah N’Daw aurait refusé de parapher le document et s’est précipité à l’Élysée pour rendre compte à son maitre Emmanuel Macron.
Aussi, la formation d’un nouveau gouvernement de vaste ouverture qui a provoqué le courroux des militaires, accusant le Premier ministre Moctar Ouane et surtout le président de la transition, Bah N’Daw, de ne les avoir pas consultés. Ce gouvernement a été fait à la demande de Paris afin d’évincer l’ex junte militaire du gouvernement de transition. Rappelons que le président de la transition déchue et son Premier ministre sont des pions de la France
Mais juridiquement, il serait compliqué de poursuivre le chef de l’Etat.Tout d’abord parce qu’en tant chef de l’exécutif et le chef suprême des armées, il détient la prérogative de décider de ce qui est classé secret-défense ou pas. Subséquemment, parce que les documents livrés restent succincts. En revanche, il n’est point paradoxal de l’exonérer de la compromission du secret.
En droit, rien n’est vain. Néanmoins, pour engager des poursuites avec la moindre chance de succès, il faudrait réunir des preuves concluantes. Le secret absolu vêtant particulièrement ce type d’action fait que cela reste très peu probable.
La tradition voudrait qu’on n’agisse pas contre l’intérêt de son pays. L’aveu d’Emmanuel Macron qui a soutenu avoir obtenu du président Bah N’Daw en quelques mois ce qu’il n’a pas eu avec Ibrahim Boubacar Keïta pendant plusieurs années confortait les analyses relatives à une grande complicité entre les deux hommes.
Nous suivons de près l’évolution de la situation au Mali.
Axel Boundy
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