Procès Bygmalion:Nicolas Sarkozy est aux abonnés absents

Nicolas Sarkozy au tribunal de Paris pour le jugement Bismuth, le 1er mars © Anne-Christine Poujoulat/AFP

La stratégie de l’ancien président Nicolas Sarkozy n’a pas changé. En effet, elle consiste à ne pas assister à aucune des audiences du procès de sa campagne présidentielle de 2012. Interrogé, mardi 15 juin, par le tribunal correctionnel de Paris, il risque un an de prison.

Il est le grand absent de son propre procès, le seul des quatorze prévenus à sécher les audiences, comme pour se donner de la hauteur ou montrer qu’il n’est pas concerné par la fraude financière massive de sa campagne présidentielle de 2012. L’ombre de Nicolas Sarkozy plane chaque jour sur les débats du procès Bygmalion, ouvert le 20 mai dernier. Rares sont ceux qui osent citer son nom à la barre, le plus souvent de façon lénifiante. C’est que le parrain de la droite a fait de nombreuses carrières et a encore le bras long.

Jusqu’ici, seuls Jérôme Lavrilleux, son ancien directeur adjoint de campagne, et quelques anciens de la société Bygmalion lui ont lancé de petites piques. Les magistrats de la XIe chambre correctionnelle de Paris, eux, n’ont posé que peu de questions sur son compte, se réservant sûrement pour ce mardi 15 juin, jour où l’ancien président sera enfin interrogé.

Depuis un mois, Nicolas Sarkozy suit les débats à distance. Ses avocats, Mes Thierry Herzog et Gesche Le Fur, sont présents à toutes les audiences ; le premier a plaidé l’annulation de l’ordonnance de renvoi le 20 mai, après avoir déjà tenté de faire annuler la procédure devant la cour d’appel et la Cour de cassation (en vain). Nicolas Sarkozy est également représenté par des communicants de la société Vae Solis, présents chaque jour à l’audience, comme lors du procès de l’affaire de corruption dite « Paul Bismuth », dans laquelle l’ancien chef de l’État a été condamné le 1er mars. À n’en pas douter, il sera parfaitement préparé.

Lors de ce procès dit « Bygmalion », plusieurs prévenus et témoins ont décrit l’emballement de la campagne de 2012, avec un président-candidat galvanisé, un animal politique affamé de grands meetings quotidiens. « Les gens de l’Élysée ajoutaient des demandes », raconte Franck Attal, ancien patron de la branche « événementiel » de Bygmalion. Le dépassement du plafond légal des dépenses de campagne était, selon lui, un secret de Polichinelle. « Tout le monde à l’UMP était au courant, de Nicolas Sarkozy à la fille de l’accueil », lâche-t-il, le 26 mai.

Franck Attal a plutôt mal pris les déclarations de Nicolas Sarkozy qui prétendait tout ignorer du système mis en place, ignorer ce qu’était Bygmalion, et ne pas le connaître, lui, le responsable de l’événementiel : à toutes fins utiles, Attal précise que le président-candidat voulait sa présence à chaque meeting.

L’ancien coprésident de Bygmalion Guy Alvès assure qu’il n’avait d’autre choix que de continuer à organiser les meetings de la campagne Sarkozy s’il voulait être payé un jour et ne pas couler sa société. Le compte de campagne étant vidé, c’est l’UMP qui réglera la note plus tard, avec de fausses factures à la clé. « Je ne pouvais pas demander au président-candidat de payer mes factures », explique Alvès, le 27 mai. « Arrêter la campagne de Nicolas Sarkozy ? À 39 ans, je ne suis pas sûr que c’était à moi de prendre cette décision… », lance-t-il.

Jérôme Lavrilleux, qui cumulait les casquettes de directeur de cabinet de Jean-François Copé à l’UMP et de numéro deux de l’équipe de campagne, pointe le rôle du président-candidat dans l’emballement de la campagne. « Guillaume Lambert [le directeur de campagne – ndlr] nous dit qu’on va multiplier les meetings. Les décisions stratégiques se prennent à l’Élysée, avec Nicolas Sarkozy, son secrétaire général, Patrick Buisson, Franck Louvrier, Guillaume Lambert, et le conseiller juridique », détaille-t-il, le 3 juin. Une façon de dire que lui n’y était pas.

« Le candidat gagnait 0,5 % dans les sondages après chaque meeting, et on est partis en sucette », résume Jérôme Lavrilleux pour expliquer l’emballement ruineux de cette campagne à l’américaine. « Qui a demandé de faire plus de meetings ? C’est le président de la République. Je n’imagine pas que Guillaume Lambert demande ça au PR, insiste-t-il. Le climat de la campagne, à partir de Villepinte, c’est : peu importe ce que ça coûte, l’important, c’est de gagner. »

Lors de ce procès dit « Bygmalion », plusieurs prévenus et témoins ont décrit l’emballement de la campagne de 2012, avec un président-candidat galvanisé, un animal politique affamé de grands meetings quotidiens. « Les gens de l’Élysée ajoutaient des demandes », raconte Franck Attal, ancien patron de la branche « événementiel » de Bygmalion. Le dépassement du plafond légal des dépenses de campagne était, selon lui, un secret de Polichinelle. « Tout le monde à l’UMP était au courant, de Nicolas Sarkozy à la fille de l’accueil », lâche-t-il, le 26 mai.

Franck Attal a plutôt mal pris les déclarations de Nicolas Sarkozy qui prétendait tout ignorer du système mis en place, ignorer ce qu’était Bygmalion, et ne pas le connaître, lui, le responsable de l’événementiel : à toutes fins utiles, Attal précise que le président-candidat voulait sa présence à chaque meeting.

L’ancien coprésident de Bygmalion Guy Alvès assure qu’il n’avait d’autre choix que de continuer à organiser les meetings de la campagne Sarkozy s’il voulait être payé un jour et ne pas couler sa société. Le compte de campagne étant vidé, c’est l’UMP qui réglera la note plus tard, avec de fausses factures à la clé. « Je ne pouvais pas demander au président-candidat de payer mes factures », explique Alvès, le 27 mai. « Arrêter la campagne de Nicolas Sarkozy ? À 39 ans, je ne suis pas sûr que c’était à moi de prendre cette décision… », lance-t-il.

Jérôme Lavrilleux, qui cumulait les casquettes de directeur de cabinet de Jean-François Copé à l’UMP et de numéro deux de l’équipe de campagne, pointe le rôle du président-candidat dans l’emballement de la campagne. « Guillaume Lambert [le directeur de campagne – ndlr] nous dit qu’on va multiplier les meetings. Les décisions stratégiques se prennent à l’Élysée, avec Nicolas Sarkozy, son secrétaire général, Patrick Buisson, Franck Louvrier, Guillaume Lambert, et le conseiller juridique », détaille-t-il, le 3 juin. Une façon de dire que lui n’y était pas.

« Le candidat gagnait 0,5 % dans les sondages après chaque meeting, et on est partis en sucette », résume Jérôme Lavrilleux pour expliquer l’emballement ruineux de cette campagne à l’américaine. « Qui a demandé de faire plus de meetings ? C’est le président de la République. Je n’imagine pas que Guillaume Lambert demande ça au PR, insiste-t-il. Le climat de la campagne, à partir de Villepinte, c’est : peu importe ce que ça coûte, l’important, c’est de gagner. »

Même le préfet Guillaume Lambert, alors directeur de campagne, suggère du bout des lèvres la responsabilité de Nicolas Sarkozy. « La campagne, c’est Nicolas Sarkozy qui la dirigeait », énonce-t-il avec componction, le 7 juin, pour préciser aussitôt que le président-candidat ne s’occupait que de politique et de stratégie, mais évidemment pas de l’intendance.

Il reste que le précautionneux Guillaume Lambert assure avoir alerté Nicolas Sarkozy à deux reprises sur les dépenses excessives de la campagne : il lui fait remonter deux notes détaillées des 6 et 7 mars 2012, qui insistaient auprès des dirigeants de la campagne et du parti sur la nécessité de réduire la voilure et les alertaient sur les risques encourus. Ces alertes n’ont eu aucun effet.

« Le 19 mars, Nicolas Sarkozy demande un meeting par jour. Il n’y a pas une incohérence ? », cingle Jérôme Lavrilleux, qui reste amer pour ceux, dont lui-même, qui ont été « envoyés se faire déchiqueter » et se retrouvent en correctionnelle. Dirigeants de la campagne, cadres de l’UMP, experts-comptables, dirigeants de Bygmalion et de sa filiale Event & Cie sont jugés, selon les cas, pour des délits de « faux », « usage de faux », « escroquerie », « abus de confiance », « recel » et « complicité de financement illégal de campagne électorale ». Ils risquent pour certains jusqu’à cinq ans de prison et 375 000 euros d’amende.

Jugé uniquement pour « financement illégal de campagne électorale », Nicolas Sarkozy n’encourt, pour sa part, qu’une peine d’un an de prison et 3 750 euros d’amende.

Alors que le compte de la campagne Sarkozy 2012 n’a été retoqué « que » pour un dépassement de 360 000 euros, le scandale des fausses factures de la société Bygmalion (et de sa filiale Event & Cie) a éclaté en 2014 : cette campagne à l’américaine a, en fait, coûté 42,8 millions d’euros, soit le double du maximum autorisé de 22,5 millions.

Cela à cause d’une « stratégie » d’« occupation maximale de l’espace médiatique et télévisuel, avec la multiplication de meetings souvent spectaculaires », écrit le juge d’instruction Serge Tournaire dans son ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel.

Selon l’ordonnance du juge Tournaire – le second juge chargé du dossier, Renaud Van Ruymbeke, a refusé de la signer –, le candidat Sarkozy ne pouvait ignorer ni l’explosion des dépenses de sa campagne ni l’intervention de Bygmalion. « Nicolas Sarkozy a incontestablement bénéficié de fraudes révélées par l’enquête, qui lui ont permis de disposer, lors de la campagne de 2012, de moyens bien supérieurs à ce que la loi autorisait, sans subir de sanction en proportion avec les montants dissimulés », écrit le juge d’instruction.

« Toutefois, l’enquête n’a pas établi qu’il les avait ordonnées, ni qu’il y avait participé, ni même qu’il en avait été informé. Jérôme Lavrilleux a affirmé ne pas lui en avoir parlé. Les autres personnes poursuivies, et notamment le directeur de campagne, Guillaume Lambert, et Éric Cesari ont nié leur implication personnelle et n’ont a fortiori pas mis en cause le candidat. »

Nicolas Sarkozy n’est donc pas poursuivi pour la fraude elle-même, mais pour avoir explosé le plafond de dépenses autorisé et avoir donné des « instructions contraires » aux « préconisations et recommandations des experts-comptables » pour maintenir les dépenses dans le cadre légal.

Source Mediapart

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