
La guerre déclenchée en Ukraine par Vladimir Poutine va impacter les pays de la zone euros. La Banque centrale européenne cherche à ajuster sa réponse monétaire.
L’invasion de l’Ukraine par la Russie complique la tâche de la Banque centrale européenne qui va devoir ajuster sa réponse monétaire au double risque d’un choc d’inflation et d’un ralentissement de la croissance en zone euro.
Les effets de la guerre déclenchée par Vladimir Poutine seront au coeur des discussions du Conseil des gouverneurs qui se réunit jeudi. Cette crise majeure change la donne pour l’institution de Francfort qui, lors de sa précédente réunion de février, avait ouvert la voie au resserrement de sa politique monétaire. La BCE semblait alors prête à normaliser progressivement son action après deux ans de cap ultra-accommodant pour soutenir l’économie face à la pandémie de Covid-19 et alors qu’elle s’inquiétait du maintien d’une inflation élevée plus longtemps que prévu.
La guerre désormais aux portes de l’Europe et les sanctions prises dans la foulée par les Occidentaux contre la Russie emportent des conséquences encore difficiles à évaluer pour les économies. Dans ce contexte géopolitique sans précédent depuis la fin de la Guerre froide, la BCE « se tient prête à toute mesure nécessaire » pour assurer la stabilité des prix, a affirmé sa présidente, Christine Lagarde.
Le risque de « stagflation », combinaison redoutée d’inflation et de stagnation économique, « a clairement augmenté », affirme Carsten Brzeski, économiste chez ING. Le conflit a déjà conduit à une hausse importante du prix des matières premières, notamment l’énergie, qui pourrait encore s’accélérer.
Nouvelles prévisions
L’inflation « va encore augmenter et se maintenir longtemps, alors que la croissance de l’activité va être déprimée », prédit Eric Dor, directeur des Etudes Economiques de l’IESEG School of Management.
L’impact négatif sur la croissance européenne va découler de l’inflation élevée, des répercussions sur les marchés financiers, des perturbations prolongées sur les chaînes d’approvisionnement et du recul de la confiance. Des mesures budgétaires pourraient atténuer ces effets, comme ce fut le cas au coeur de la pandémie.
La BCE disposera jeudi, pour définir son cap, de nouvelles projections macroéconomiques intégrant des données récentes, notamment l’inflation record de 5,8% en février en zone euro ainsi qu’un calcul des effets prévisibles du conflit ukrainien. Les observateurs s’attendent à ce que l’institut francfortois confirme la fin, en mars comme prévu, du programme d’achats de dette lancé pour contrer la récession provoquée par la pandémie.
En revanche, les interrogations portent sur la suite de l’ancien programme de rachat de titres publics et privés, le « QE » : pour l’heure, il doit être porté de 20 à 40 milliards d’euros par mois à partir d’avril, puis descendre à 20 milliards d’euros jusqu’à octobre, en restant activé « aussi longtemps que nécessaire ». Une fois ces achats nets terminés, une première hausse des taux serait intervenue. Les gardiens de l’euro vont-ils être tentés de ralentir l’allure ?
Les analystes de Goldman Sachs s’attendent à ce que la BCE durcisse sa politique en décembre, mais ajoutent que la possibilité d’un conflit armé prolongé et de coupures d’approvisionnement en gaz pourrait retarder cette stratégie de sortie.
Prudence redoublée
Jeudi, la BCE devrait nettement revoir à la hausse sa prévision d’inflation pour 2022, actuellement à 3,2%, déjà au-delà de son objectif de 2% à moyen terme. Face à une inflation dépassant si durablement la cible, les réactions divergent entre banquiers centraux de la zone euro.
Le « terrible événement » constitué par la guerre invite à la « prudence », a souligné l’Italien Fabio Panetta, membre du directoire de la BCE, favorable à des soutiens monétaires prolongés. L’inflation élevée oblige à « garder un oeil » sur le calendrier de resserrement du crédit, a rétorqué Joachim Nagel, président de la Bundesbank, porte-voix de l’orthodoxie monétaire.
Au vu des tensions géopolitiques redoublées, la BCE devrait « éviter de faire allusion à des dates butoir » pour ses achats d’obligations comme à des « dates de premières hausses de taux », prédit M. Brzeski. Mme Lagarde pourrait plutôt reprendre le couplet de ses prédécesseurs qui ne voulaient « jamais s’engager à l’avance ».
Avec AFP