
Non, la Russie ne patine pas en Ukraine. L’opération « se déroule avec succès et en stricte conformité avec les plans préétablis » avant le déclenchement de l’offensive russe, le 24 février dernier a affirmé Vladimir Poutine mercredi. Le président russe a tenté de galvaniser l’opinion lors d’une réunion gouvernementale diffusée à la télévision. Cette guerre était inévitable, a-t-il assuré, « nous n’avions tout simplement plus d’options pour résoudre le problème de manière pacifique » après des « années d’intimidation de la population du Donbass », l’est russophone de l’Ukraine, où les forces de Kiev ont été confrontées depuis huit ans à des séparatistes prorusses soutenus par Moscou. Selon lui, la Russie a attaqué l’Ukraine de manière préventive car celle-ci « se préparait à un scénario violent » dans le Donbass et en Crimée, péninsule annexée en 2014 par Moscou. « Nous n’avions pas d’autre option pour nous défendre », l’Ukraine pouvant à tout moment servir de « tête de pont pour des actions agressives contre la Russie », a encore affirmé le président devant des ministres mutiques. Filant la rhétorique qui consiste à accuser l’Ukraine d’être un pays en voie de « nazification » – factuellement très outrancière -, le chef du Kremlin, comme ramassé dans son costume sombre sur un fauteuil trop bas, a fait plusieurs références à la Seconde Guerre mondiale en évoquant les sanctions qui frappent la Russie. Ce « blitzkrieg » économique – la « guerre éclair » élaborée par Hitler et ses généraux pour envahir d’abord la Pologne puis d’autres pays d’Europe -, « odieux » et « indécent » pour Poutine, est comparable aux « pogroms antisémites » qu’a connus l’histoire, a-t-il reproché. Toutes ces mesures, ce soutien à l’Ukraine, « caractéristiques d’une agression », ne relèvent que d’une « stratégie consciente et à long terme » pour faire de la Russie « un pays faible et dépendant ». Poutine dénonce un « blitzkrieg » sur l’économie russe Le chef de l’État a reconnu que la Russie avait été précipitée en défaut de paiement, que l’inflation et le chômage allaient augmenter, obligeant à des réformes structurelles de l’économie. Pour tenir l’opinion russe, traversée de mouvements d’opposition à la guerre immédiatement étouffés, Poutine a promis des aides financières : il augmentera le salaire minimum, les salaires des fonctionnaires, des retraites, des lignes de crédit supplémentaires seront ouvertes aux entreprises, qui bénéficieront de nouvelles commandes d’État. Les entreprises russes ont « les ressources nécessaires » pour traverser la tempête, a-t-il promis, sachant la population capable d’« un travail acharné, un travail en commun et un soutien » aux autorités. Dans la foulée, le président s’en est pris aux oligarques russes qui, pour certains, ne soutiennent pas la guerre. Cette crise est l’occasion de procéder à une « autopurification » de la grande Russie. Les Russes « seront toujours capables de distinguer les vrais patriotes de la racaille et des traîtres et de les recracher simplement comme un moucheron qui s’est accidentellement envolé dans leur bouche ». Les sanctions touchant les plus riches vont permettre « l’autopurification » de la vraie Russie. Ces traîtres, justement, constitués en une « cinquième colonne » par « l’ouest » pour créer des troubles civils et obtenir « la destruction de la Russie », sont nés en Russie mais n’appartiennent plus en pensées au pays nourricier. « Je ne juge pas du tout ceux qui ont une villa à Miami ou sur la Côte d’Azur, qui ne peuvent se passer de foie gras, d’huîtres ou de la soi-disant liberté de genre », a-t-il lancé dans une référence directe à l’homosexualité qu’il exècre, comme son ami le patriarche Cyrille, chef très politique de l’Église orthodoxe de Moscou. À l’entendre, ces oligarques pensent que vivre ou posséder une maison à l’ouest est « un signe d’appartenance à une caste supérieure, à une race supérieure ». Et d’ajouter que « beaucoup de ces personnes, de par leur nature même, sont mentalement situées précisément là-bas, et pas ici, pas avec notre peuple ».