
Échaudé par les récentes décisions de Ryad sur le pétrole, le président américain a nettement haussé le ton mardi contre le royaume saoudien, avertissant qu’il y aurait “des conséquences”. Pour la presse internationale, ces déclarations pourraient marquer un changement dans la relation entre Washington et Ryad.
C’est le signe d’une “rupture entre deux alliés de longue date”, note le New York Times. Après avoir promis de faire de l’Arabie saoudite un État “paria” puis avoir tenté un rapprochement en juillet, le président américain Joe Biden “très en colère” contre les décisions de Ryad sur le pétrole, a de nouveau haussé le ton, menaçant mardi 11 octobre le royaume de représailles, rapporte le quotidien américain. “Il y aura des conséquences pour ce qu’ils ont fait, avec la Russie”, a affirmé le président lors d’une interview avec la chaîne CNN,sans toutefois préciser de quelle nature elles seraient.
“Au vu des récents événements et des décisions de l’Opep+, le président pense que nous devrions réévaluer la relation bilatérale avec l’Arabie saoudite”, avait déjà dit auparavant John Kirby, porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison Blanche, à la presse. Joe Biden “est prêt à travailler avec le Congrès pour réfléchir à ce que doit être cette relation”, a aussi assuré ce conseiller.
L’Opep+, cartel du pétrole emmené par Ryad, a récemment décidé de sabrer ses quotas de production, ce qui pourrait faire flamber les cours et donc garnir les caisses de Moscou.
Interrogé mardi par Al Arabiya, le ministre saoudien des Affaires étrangères Faisal bin Farhan Al Saud a assuré que la décision de l’Opep+ était une mesure “purement économique”prise avec l’accord unanime des membres du groupe.
“L’Arabie saoudite n’est pas une alliée des États-Unis”
La décision du cartel pétrolier a suscité une vague d’indignation parmi les membres du Congrès américain et en particulier parmi les parlementaires du parti démocrate. Ces derniers perçoivent le geste de l’Opep+ comme une “gifle sauoudienne lancée à la figure de Joe Biden après que le président a tendu la main au Royaume”, en se rendant sur place en juillet, remarque le diplomate israélien Dan Arbell, interrogé par le Jerusalem Post.
Les Saoudiens “ont pris cette décision en étant pleinement conscients que cela saperait la stature politique de Biden au sein du pays et à l’étranger”, estime pour sa part l’ancien conseiller politique américain Aaron David Miller dans une analyse publiée sur le site de Foreign Policy. “Quelques semaines avant les élections de mi-mandat aux États-Unis et alors que les prix de l’essence montaient déjà, Mohammed ben Salmane a clairement indiqué au président américain qu’il ferait ce qu’il voudrait en ce qui concerne les prix du pétrole et sa relation chaleureuse avec le président russe Vladimir Poutine, peu importe les objections et les intérêts américains”. Pour l’analyste, il est temps que “Joe Biden comprenne que l’Arabie saoudite n’est pas une alliée des États-Unis et qu’il faut désormais cesser de la traiter en tant que telle”.
Avec la décision de l’Opep+, “ Biden se voit offrir tout à coup une seconde chance de tenir sa promesse” de traiter l’Arabie saoudite comme un État paria, remarque le Washington Post. Pour le quotidien américain, deux options principales semblent être sur la table : Washington pourrait décider de “réduire sa coopération [avec Ryad] en matière de défense et de ventes d’armes” ou bien “cibler l’Opep, elle-même”. Au Congrès, certains parlementaires soutiennent un projet de loi baptisé NOPEC qui, s’il était adopté, permettrait à Washington de poursuivre les cartels pétroliers pour violation de lois antitrust et manipulation du marché.